Bonjour mon petit moi
Aujourd’hui, tu as 43 ans. Bientôt 44. Et il est temps de te dire ce que j’ai sur le cœur.
Tu as vécu de nombreuses souffrances. Tu as commencé ta vie en étant séparée de tes parents. Tu as connu la peur, l’effroi dès ce soir-là où ils t’ont emportée. Loin de ta maison. Loin de ta famille.
Depuis ce jour-là, tu ne t’es jamais sentie en sécurité.
On t’a volé ton enfance. Par la maltraitance de toute sorte. Tu aurais voulu avoir une vie similaire à celle des autres petits enfants qui n’avaient que pour soucis le jeu, la nourriture, les amis, etc. Toi, tu devais déjà te battre pour avoir tout cela. Rien n’a été facile.
Tu aurais voulu être protégée. Tu aurais voulu qu’on te prenne dans les bras, qu’on te dise que tout allait s’arranger. Qu’on te réconforte.
Oui, tu pleurais souvent. Des cris de désespoir d’un enfant qui aurait voulu être prise en compte, qui aurait voulu exister en tant qu’enfant et être humain, non en tant qu’une chose que l’on pouvait utiliser pour se faciliter le quotidien. Tu aurais voulu que l’on te montre de la tendresse, de l’affection. Tu aurais voulu que l’on t’aime.
Sache que tu as été aimée. Par tes parents, même s’ils ne l’ont pas montré comme tu aurais voulu. Par ta sœur. Même par ta mère malade. Elle n’a pas que fait se projeter en toi. Elle n’a pas que fait projeter ses souffrances et ses expériences malheureuses de son enfance. Tu n’as pas été qu’un réceptacle de douleurs diverses et immenses.
Toi, tu n’as été capable de ressentir que cela mais c’est normal. Tu étais si petite, fragile, absorbant tous ces ressentis, s’y noyant.
Tu as ressenti le vide, le néant, le profond désespoir. Personne n’est jamais venu te sauver.
Aujourd’hui encore, je les entends tes souffrances, je les sens, je les ressens…
J’ai longtemps essayé de te faire taire. De t’ignorer. Mais tu as toujours fait partie de moi.

Maintenant, je voudrais essayer de t’apaiser. Pour vivre en paix, ensemble. Tu feras toujours partie de moi mais nous allons avancer main dans la main, en toute sérénité. Car je suis désormais l’adulte qui peut prendre soin de toi, et t’aimer comme tu aurais dû être aimée dès le début. Je veux t’envelopper de tout l’amour dont je suis capable, de toute la tendresse, de toute ma compassion. Nous allons avancer toutes les deux, avec tes souffrances et avec mes joies, mes petits bonheurs quotidiens. Ensemble, nous allons trouver la paix, ma chère petite Christelle. Nous allons nous libérer de ce poids, ensemble.

Je ferme les yeux, et je te vois, petite, joufflue, le regard triste. J’arrive vers toi, lentement, pour ressentir tes souffrances, pour qu’elles viennent en moi, pour te les enlever, pour les partager. Je les laisse entrer en moi, je pleure intensément et par chacune de ces larmes, par chacune de nos larmes, la souffrance peu à peu s’allège et devient comme une plume qui vole au vent. Elle monte, virevolte, légère, tendre. Nous la regardons toutes les deux s’envoler au loin, main dans la main. Jusqu’à ne plus la voir. Puis nous nous regardons, dans les yeux, intensément, chaleureusement. Nous nous sourions, nous nous accueillons. Nous nous serrons fort dans nos bras, si fort, jusqu’à ne plus faire qu’une.