… Pour le moment. Car dans la vie, tout peut arriver. Et j’espère être mieux armée désormais. Alors voici mon dernier trauma.
Il s’agit de celui qui a débuté avec cette période de maladie, les mois de septembre et octobre. Tout d’abord, le passage aux urgences. C’était un jour où ils étaient débordés. Vraiment ! Je suis restée des heures et des heures dans le couloir avec une perf. J’étais déshydratée, j’avais mes fameuses nausées, et j’étais dans un grand stress car je ne savais pas ce qui m’arrivait. Mon corps allait mal, je le sentais au plus profond de moi. Je savais que ce n’était pas normal cette perte totale d’appétit, ces nausées extrêmes et permanentes, cette perte de poids soudaine, ces diarrhées. Et cela durait depuis la mi-août. Là, nous étions le 1er septembre.
J’ai vu passer de nombreux blessés, gravement, comme l’on voit à la TV dans des séries dont le thème est les urgences. Déjà que j’avais de grosses nausées, de voir ce sang, ces blessures, ces branchements, ces perfs, j’avais de plus en plus envie de vomir. Et je culpabilisais aussi : je n’étais pas du tout dans le même état que tous ces malades ! Je ne me considérais plus comme une urgence. Mais d’un autre côté, il fallait que je sache ce que j’avais car le lendemain, c’était la reprise du travail ! Et je n’étais pas du tout en état ! Je restai dans cet état d’angoisse pendant des heures, me préoccupant de voir ma perf vide depuis longtemps et voyant du sang s’y infiltrer…
Puis on m’emmena faire un scanner et j’attendis les résultats. L’urgentiste qui m’avait prise en charge était inquiète car on voyait des tâches sombres au niveau des poumons. Elle décida de me garder la nuit pour me faire voir un médecin interne le lendemain. Le ton de sa voix ne m’a pas rassurée du tout car justement, c’était le ton qu’ils prennent lorsqu’ils ne savent pas trop mais que cela peut être grave. C’est le ton de compassion tentant d’être rassurant mais sans mentir ni faire croire que ce n’est pas grave, juste au cas où.
Je n’oublierai jamais cette nuit. Au début, j’étais seule. Cela me convenait. Ma meilleure amie m’avait apporté ma liseuse. Je pourrais me changer les idées (bien que je n’aie pas eu envie de lire tout de suite. Je me plongeai plutôt dans un jeu sans réflexion sur mon téléphone). Puis les infirmières emmenèrent une patiente sur le lit d’à côté. Elle avait fait une chute à vélo. Lorsque je la regardai, j’ai vu son état… elle faisait partie des blessés que j’avais vus passer lorsque j’étais dans le couloir. Je détournai donc le regard car mes nausées devenaient incontrôlables. Mais j’entendais des bruits, angoissants. Sa respiration, sifflante, difficile. Lorsqu’elle appela sa famille pour les rassurer, sa voix était faible ; elle articulait péniblement. Son état me renvoyait au mien. L’angoisse se fit de plus en plus grande. Des vertiges sont apparus, ma respiration s’accélérait. Mon état empirait. Je parvins à dormir un peu tout de même.
Le lendemain matin, le réveil fut très compliqué pour ma colocataire. La pauvre. Les infirmières la redressèrent (moi je me disais que ce n’était pas une bonne idée après un traumatisme crânien et au réveil…) pour le petit déjeuner. Puis elle la laissèrent. Moi j’étais assise, dos tourné à la scène car je tentais désespérément d’avaler quelque chose. Tout à coup, j’entendis des bruits anormaux de ma voisine. Je me levai et m’approchai d’elle, la peur au ventre. Elle était en train de faire un malaise. Je sonnai mais personne ne venait. Elle agonisait et je ne savais pas que faire. Je me trainais dans le couloir avec ma perf pour chercher quelqu’un mais personne ! Je retournai dans la chambre, ne cessant de sonner. Enfin, elles arrivèrent. Je retournai dans mon lit. Je faisais tout pour ignorer ce qui se passait derrière moi. Mais cette pauvre dame eut des hauts le coeur violents. Et soudain, j’entendis qu’elle vomissait. Je fus obligée de me boucher les oreilles car je n’arriverais plus à me retenir longtemps. Je pressais mes doigts de plus en plus fort sur mes oreilles. Je fermais les yeux autant que je le pouvais. Je serrais les dents de toutes mes forces. Je détournais mes pensées. J’essayais en tout cas. Je n’y arrive pas ! Je n’y arrive pas ! Je vais lâcher ! Mais j’ai tenu bon. La dame d’à côté a fait plusieurs malaises de ce genre dans la matinée. Quand le médecin interne est arrivé pour moi, il m’a dit que c’était certainement la sarcoïdose, qu’il me prescrivait des examens, une ordonnance pour mes troubles épigastriques et il me libéra ! Je pus enfin rentrer chez moi. Dans un très mauvais état certes, mais le cauchemar des urgences avait pris fin.
Suite à cette journée, s’ensuivirent des tas d’examens médicaux, de courts séjours dans les hôpitaux des alentours. Gastroscopie sous anesthésie générale que je n’ai pas supportée du tout. J’ai été malade comme un chien : vertiges, tremblements, frissons, sueurs froides, nausées – encore. Le docteur a enlevé une tuméfaction à l’œsophage et a vu une inflammation de l’estomac. Ensuite j’ai eu un petscan (dur dur de rester à jeun jusqu’à 15 heures en ayant des nausées). Cet examen m’a fatiguée énormément. L’attente des résultats me parut longue car je connaissais de nom cet examen comme il y a beaucoup de cancers dans ma famille maternelle. Mais heureusement, le petscan n’a rien vu de spécial. J’ai fait aussi énormément de prises de sang. Il y en a eu une où ils m’ont prélevé 13 tubes !!! prises de sang qui allaient dans le sens de la sarcoïdose. Ces examens se sont répartis en septembre et octobre et avec eux, mes inquiétudes n’ont cessé d’augmenter. Mais je m’efforçais de garder le contrôle et de ne pas paniquer. Je me répétais que ce n’était rien de grave et que tout irait bien. Et c’est ce que je disais à mon entourage ne laissant rien paraître de ce que je ressentais vraiment.
Mais mon corps allait mal. Toujours. Ce qui m’a le plus marquée pendant ces 2 mois, ce furent les repas. J’ai rarement souffert autant et de cette façon inédite. Comme je souffrais de nausées extrêmes et permanentes, je n’avais absolument jamais faim. Mais je savais que je devais me nourrir, que c’était vital. Et aussi, je ne voulais surtout pas développer de maladies liées à la nourriture style anorexie mentale. Je pensais à ma mère qui avait souffert d’anorexie et de boulimie. Je ne voulais pas être comme elle. J’avais une peur de fou que mon corps et mon cerveau ne veuillent plus se nourrir par la suite, ce qui entraînerait ma fin. C’est littéralement la peur au ventre, que chaque jour, chaque repas, je me forçais à manger. J’avais en permanence envie de vomir. A chaque bouchée, je craignais de tout rendre. Mais je continuais, coûte que coûte. J’avais déjà perdu pas mal de poids et il ne fallait pas que cela continue. Ma main tremblait quand je la portais à ma bouche. Les larmes étaient là elles aussi. Mais je ne lâchais pas. Il fallait absolument me nourrir et tenir bon jusqu’à ce que j’aille mieux. Avec les compléments alimentaires, j’ai réussi à ralentir cette perte de poids puis à la stabiliser.
Imaginez-vous, chaque jour, chaque repas, pendant 2 mois, vivre cela. Essayez en tout cas d’imaginer un peu, de vous mettre à ma place, dans mon corps…
En novembre, ces nausées cessèrent enfin.