Et oui, ne m’en veux pas. J’étouffais là où j’étais. J’ai bien essayé de sortir durant toutes ces années, de plein de façons différentes, mais tu m’as toujours fait taire, à ta façon. Je ne t’en veux pas : tu ne pouvais pas faire autrement. Tu as réussi à résister pendant si longtemps ! Quelle force ! Il a fallu que je profite d’un moment de grande faiblesse chez toi pour pouvoir enfin me présenter à toi. Car j’ai tellement de choses à te dire, à toi, mon moi adulte, celle que je suis devenue malgré tout ce que j’ai vécu.
Je t’écris à toi qui a vécu avec mes peurs, mes souffrances, mon insécurité, mes angoisses.
Il y a eu de nombreux moments où tu te sentais mal sans trop savoir pourquoi. J’en suis sûre. Rappelle-toi bien. Il n’y a vraiment pas si longtemps d’ailleurs.
Tu vois, ce sentiment de ne jamais te sentir à ta place ? ben c’est moi. Moi qui ai vécu en famille d’accueil. Je ne me suis jamais sentie chez moi. Cette famille m’a maltraitée. J’ai beaucoup souffert. On me faisait travailler, on me battait, on me disait que ma mère était folle, que ce n’était qu’une « sale arabe ». Jamais je ne me suis sentie à l’aise avec eux. J’avais toujours peur. En permanence.
Et ce sentiment de ne jamais te sentir à la hauteur ? C’est encore moi. Moi qui ai tout fait pour aider dans ma vraie famille car ma mère était malade. Moi qui n’ai pas eu d’enfance car mon seul objectif était de ne pas poser de problème, et d’aider du mieux que je le pouvais. Et ce n’était jamais assez. Je n’ai d’ailleurs jamais eu de merci ou de reconnaissance ou de félicitations dans ce que j’ai entrepris et réussi seule, sans l’aide de qui que ce soit.
D’ailleurs, tu le ressens encore ce besoin de ne jamais demander de l’aide et de t’en sortir seule, j’en suis sûre ! Car cela aussi c’est encore moi.
Et cette peur immense, qui te semble sans fin, elle aussi, ce n’est que moi. Moi qui ai grandi sans filet, qui ai vécu dans la peur et l’insécurité permanentes, sans jamais être rassurée. Jamais. Non, jamais.
Et cette envie profonde de rechercher l’amour, ce besoin d’aimer et d’être enfin aimée ? C’est encore et toujours moi. Moi qui n’ai reçu aucune marque d’affection. De personne. Moi qui ai vécu seule depuis le tout début de mon existence. Tu comprends pourquoi tu ressens ce profond sentiment de solitude ? Comme une fatalité ?! Et oui, c’est encore moi.
Je sais que je te fais peur, que tu crains pour ta vie quand j’essaie de m’exprimer de toutes mes forces, lorsque je crie mes douleurs. Mais ne t’inquiète pas. Je ne te veux aucun mal. Je voudrais juste que tu m’écoutes attentivement, que tu me comprennes, que tu fasses la paix avec moi. Car je suis en toi, je suis une partie de toi. Je voudrais juste que toi, au moins, tu m’acceptes telle que je suis. Plus que mes souffrances, je te crie de m’aimer pleinement pour celle que je suis, au moins toi.
Je voudrais te rencontrer sereinement, te regarder dans les yeux paisiblement car les yeux sont réellement le miroir de l’âme, et que tu me reconnaisses, que tu me voies véritablement et que tu me serres fort dans tes bras.
Je t’en prie : faisons la paix. Tu verras que tout ira mieux.